Christian Tissier 8éme DAN Aikikai

 L’Aïkido en quelques mots et quelques images : avec Christian tisser 8ème DAN AIKIKAI de Tokyo un référent en matière de pratique et d’enseignement 

Comme le définit Maître Ueshiba, l’Aïkido est une voie dont le fondement est la pratique d’un exercice visant à l’élévation physique et spirituelle. Cette voie plonge ses racines dans les mœurs et les traditions du Japon.

AÏKIDO : « voie de l’harmonisation des énergies » ou « voie de l’harmonie ».

Le mot Aïkido est composé de trois idéogrammes :

AÏ : « rencontre, union, unification, harmonie »
KI : intraduisible mais qui peut s’assimiler à « énergie vitale »
DO : « voie, recherche »

 

Extérieurement, l’Aïkido est un ensemble de mouvements circulaires et en spirales qui, à force d’être répétés, vont permettre de débloquer le corps et de retrouver des gestes naturels et spontanées ouvrant ainsi le monde des sensations.

 

Pour le néophyte, l’Aïkido peut se restreindre à un ensemble de techniques dont le principe est la non opposition et l’utilisation de la force de l’adversaire afin de se défendreou, encore mieux, de dissuader d’attaquer.
 
Pour Maître Yamaguchi (photo), la base de l’aïkido est la résolution harmonieuse des conflits. L’Aïkido présente ainsi deux facettes, l’apprentissage d’un Art Martial efficace mais aussi l’apprentissage de la maîtrise de soi, de l’amélioration de soi. Maître Yamaguchi disait : « La technique sans l’esprit ne peut conduire qu’à la destruction de soi même ».
 
 

CONNAISSANCE DE SOI, CONNAISSANCE DE L’AUTRE

En tant que voie, l’aïkido doit permettre de développer la spontanéité, la vigilance, le geste pur, l’attitude juste au moment juste, la droiture, le respect de l’autre. « Dans le cadre de la pratique, les rôles de Uke (celui qui attaque, qui subit la technique) et de Tori (qui est attaqué et applique la technique) sont d’égale importance et doivent être abordés avec le même sérieux ».
Chacun doit s’efforcer de pratiquer avec le plus de partenaires possibles, des hommes, des femmes de tailles et de poids différents afin d’enrichir son expérience et de faire preuve de toute la disponibilité possible.
On l’a dit, l’Aïkido est une pratique basée sur la répétition de mouvements, de techniques (mouvements d’immobilisation et de projection). « Le support de cette pratique est la voie Martiale, car théoriquement, tout manquement est sanctionné par la mort. Dans le cadre de la pratique, à chaque fois une nouvelle chance nous est donnée de nous parfaire. »
Maître Yamaguchi disait : « Apprendre comprendre, répéter, s’améliorer. Apprendre l’autre, le comprendre, l’améliorer, répéter. » Nous comprenons à travers ces paroles que la répétition des techniques n’est pas une impasse mais un vrai travail de recherche de la perfection. Cette perfection n’a de sens que dans la relation à autrui que l’Aïkido permet de développer.

AÏKIDO, PRATIQUE SPORTIVE ET DÉVELOPPEMENT PERSONNEL

Faire du sport, c’est essentiel pour le développement des jeunes, tout le monde le reconnaît. Les pratiques sportives, les activités physiques sont un excellent moyen pour connaître les jeunes et leur apprendre à se connaître. » Dans son article « repenser le sport », Courtine, chercheur en EPS, nous rappelle que « le passage par une expérience corporelle peut rouvrir et nourrir le champ du langage et du social, rouvrir une parole qui peut pacifier la guerre des corps ». Nous savons tous que les actions sportives sont bénéfiques tant au niveau physique et psychologique que social. Il ne faut pas tomber dans l’angélisme. L’expérience corporelle a des effets pervers bien repérés et déjà signalés par de nombreux chercheurs en EPS. Nous nous devons, en tant qu’éducateurs, de proposer des activités pertinentes pour nos jeunes en réflechissant à leur contenu. Pour ma part, je suis sûr que les Arts Martiaux et spécifiquement l’Aïkido, peuvent remplir ce rôle, mais pas uniquement ce rôle. En effet, la pratique des Arts Martiaux allie le travail du corps avec une dimension philosophique associée à des valeurs pacifiques. Je citerai Fromm : « La maîtrise de tout art demande patience, autodiscipline et concentration. »
L’Aïkido est un Art Martial, un art du combat certes, mais un art du combat vis a vis de soi même, un art de vivre qui s’inscrit à l’intérieur d’un processus personnel à la fois physique, psychologique et social. Dans ce processus l’Aïkido et l’éducation se rejoignent voire se confondent.

AÏKIDO ET ÉDUCATION

A la différence de l’éducation traditionnelle qui porte plus sur le cognitif, l’Aïkido permet d’explorer le champ du relationnel. Voilà un des enjeux de l’éducation, comme nous le rappelle Levine qui décrit l’école des quatre langages, le cognitif, le réalisationnel, le relationnel et les talents personnels.
L’éducation, selon Emmanuel Kant, « doit développer dans chaque individu toute la perfection dont il est capable ». Pour le psychologue Sillamy, c’est l’art de développer les qualités potentielles physiques, intellectuelles et morales d’une personne. Pour Piaget, éduquer c’est transformer la constitution psychobiologique de l’individu en fonction des réalités collectives… Il y a donc deux termes dans la relation éducative : l’individu en croissance et les valeurs sociales intellectuelles et morales auxquelles l’éducateur est chargé de l’initier. J.Château nous explique que l’éducation n’est pas un ensemble de techniques que l’on pourrait mettre au point, mais qu’au-dessus d’elles il est une recherche plus difficile et plus urgente, qui est celle du but et de l’esprit de l’éducation. Selon lui, « cette recherche engage l’éducateur, elle engage aussi le philosophe, elle engage le politique. »
« L’éducation entend souvent inculquer les bases d’un savoir pluridisciplinaire et cognitif obligatoire. L’Aïkido est une discipline qui ouvre la voie à une recherche plus personnelle mais aussi plus universelle, plus essentielle peut-être. »


A l’individu en quête de repères, l’Aïkido propose une autre approche, une autre dimension ou tout simplement un complément intéressant dans l’apprentissage et l’acquisition des compétences fondamentales. En effet, l’Aïkido permet de développer une relation privilégiée à l’autre, une forme de communication interpersonnelle intéressante dans le sens où elle est fondée sur la contribution bénéfique réciproque. La coopération apparaît alors comme une alternative à une certaine forme de compétition avec son lot de frustration et d’échecs.
L’Aïkido propose un cadre d’étude favorable à l’expression d’un savoir non seulement cognitif mais aussi affectif et conatif (volonté, motivation goût de l’effort, volonté de dépassement de soi). L’affectif nous renvoie vers l’intelligence émotionnelle, la confiance en soi, la maîtrise de soi, l’estime de soi, l’empathie. A en croire Goldman, psychologue américain, ce sont les vrais enjeux professionnels de demain.
L’Aïkido permet enfin la découverte d’une richesse interculturelle et favorise, par un phénomène de transfert et de « rituels », le respect des règles et de la symbolisation de la discipline, sa codification. 

CONCLUSION

L’Aïkido permet le respect de l’autre, des autres et de soi, à travers un dialogue et une relation centrée sur l’échange authentique et sincère.
L’Aïkido contribue également à l’acquisition des facteurs psychologiques de la performance, au développement d’aptitudes physiques telles que la souplesse, la puissance et l’endurance. Il permet le développement des habiletés motrices (latéralisation, équilibre, dextérité), des habiletés stratégiques et tactiques, des qualités psychologiques.
L’Aïkido prolonge l’éducation comme une école de vie axée sur des principes de construction et de développement, il construit, développe, perfectionne, sublime l’individu par le partage et la relation à l’autre.


L’Aïkido favorise l’apprentissage par l’expérience, la découverte des sens et des limites de l’ego. Il prend sa source dans le plaisir d’apprendre, de comprendre et de progresser.